Pour moi, j’aime autrement ; et tout me charme en vous ;
Tout m’en est précieux, Seigneur, tout m’en est doux ;
Je ne sais point si j’aime ou l’Empereur ou Tite,
Si je m’attache au rang ou n’en veux qu’au mérite,
Mais je sais qu’en l’état où je suis aujourd’hui
J’applaudis à mon cœur de n’aspirer qu’à lui.
Mais me le donnez-vous tout ce cœur qui n’aspire,
En se tournant vers moi, qu’aux honneurs de l’empire ?
Suit-il l’ambition en dépit de l’amour,
Madame ? la suit-il sans espoir de retour ?
Si c’est à mon égard ce qui vous inquiète,
Le cœur se rend bientôt quand l’âme est satisfaite :
Nous le défendons mal de qui remplit nos vœux.
Un moment dans le trône éteint tous autres feux ;
Et donner tout ce cœur, souvent ce n’est que faire
D’un trésor invisible un don imaginaire.
À l’amour vraiment noble il suffit du dehors ;
Il veut bien du dedans ignorer les ressorts :
Il n’a d’yeux que pour voir ce qui s’offre à la vue,
Tout le reste est pour eux une terre inconnue ;
Et sans importuner le cœur d’un souverain,
Il a tout ce qu’il veut quand il en a la main.
Ne m’ôtez pas la vôtre, et disposez du reste.
Le cœur a quelque chose en soi de tout céleste ;
Il n’appartient qu’aux Dieux ; et comme c’est leur choix,
Je ne veux point, Seigneur, attenter sur leurs droits.
Et moi, qui suis des Dieux la plus visible image,
Je veux ce cœur comme eux, et j’en veux tout l’hommage.
Mais vous n’en avez plus, Madame, à me donner ;
Vous ne voulez ma main que pour vous couronner.