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Périr ou faire un crime est pour moi même chose.
Laissons-lui toutefois soulever des mutins ;
Hasardons sur la foi de nos heureux destins :
Ils m’ont promis la Reine, et doivent à ses charmes
1480Tout ce qu’ils ont soumis à l’effort de mes armes ;
Par elle j’ai vaincu, pour elle il faut périr.

FLAVIAN.

Seigneur…

TITE.

Seigneur…Oui, Flavian, c’est à faire[1] à mourir.
La vie est peu de chose ; et tôt ou tard, qu’importe
Qu’un traître me l’arrache, ou que l’âge l’emporte ?
1485Nous mourons[2] à toute heure ; et dans le plus doux sort
Chaque instant de la vie est un pas vers la mort[3].

FLAVIAN.

Flattez mieux les desirs de votre ambitieuse,
Et ne la changez pas de fière en furieuse.
Elle vient vous parler.

TITE.

Elle vient vous parler.Dieux ! quel comble d’ennuis !

  1. Telle est l’orthographe de toutes les éditions anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764).
  2. Il y a Nous mourrons, au futur, dans l’édition de 1671, ce qui n’offre pas de sens.
  3. On lit dans l’Imitation de Jésus-Christ (livre II, chapitre xii) : « Scias pro certo quia morientem te oportet ducere vitam. » Corneille a traduit ainsi ce passage :
    Pour maxime infaillible imprime en ta pensée
    Que chaque instant de vie est un pas vers la mort.
    C’est ce dernier vers qu’il s’est rappelé et qu’il a reproduit presque textuellement ici. Comme l’a remarqué M. Quittard, il « redit par un tour différent ce que disent beaucoup de proverbes, entre autres ceux-ci : le moment où l’on naît est le commencement de la mort ; le jour de la naissance est le messager de la mort ; la vie est le chemin de la mort ; la mort commence avec la vie, etc. » (Études sur les proverbes français, p. 65.) — Plusieurs poëtes ont répété ce vers avec de légères variantes. Casimir Delavigne a dit dans son Louis XI (acte I, scène ix) :
    Chaque pas dans la vie est un pas vers la mort.