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Madame ? et vous l’avez au cœur comme en la bouche ?
Ah ! que le nom de Rome est un nom précieux,
1210Alors qu’en la servant on se sert encor mieux,
Qu’avec nos intérêts ce grand devoir conspire,
Et que pour récompense on se promet l’empire !
Parlons à cœur ouvert, Madame, et dites-moi
Quel fruit je dois attendre enfin d’un tel emploi.

DOMITIE.

1215Voulez-vous pour servir être sûr du salaire,
Seigneur ? et n’avez-vous qu’un amour mercenaire[1] ?

DOMITIAN.

Je n’en connois point d’autre, et ne conçois pas bien
Qu’un amant puisse plaire en ne prétendant rien.

DOMITIE.

Que ces prétentions sentent les âmes basses !

DOMITIAN.

1220Les Dieux à qui les sert font espérer des grâces.

DOMITIE.

Les exemples des Dieux s’appliquent mal sur nous.

DOMITIAN.

Je ne veux donc, Madame, autre exemple que vous.
N’attendez-vous de Tite, et n’avez-vous pour Tite
Qu’une stérile ardeur qui s’attache au mérite ?
1225De vos destins aux siens pressez-vous l’union
Sans vouloir aucun fruit de tant de passion ?

DOMITIE.

Peut-être en ce dessein ne suis-je intéressée
Que par l’intérêt seul de ma gloire blessée.
Croyez-moi généreuse, et soyez généreux :
1230N’aimez plus, ou n’aimez que comme je le veux.
Je sais ce que je dois à l’amant qui m’oblige ;
Mais j’aime qu’on l’attende et non pas qu’on l’exige ;

  1. On lit marcenaire dans les deux éditions de 1682 et 1692.