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Et j’allois être heureux, du moins aux yeux de tous,
Autant qu’on le peut être en n’étant point à vous.
J’allois…

BÉRÉNICE.

955J’allois…N’achevez point, c’est là ce qui me tue.
Et je pourrois souffrir votre hymen à ma vue,
Si vous aviez choisi quelque objet sans éclat,
Qui ne pût être à vous que par raison d’État,
Qui de ses grands aïeux n’eût reçu rien d’aimable,
960Qui n’en eût que le nom qui fût considérable.
« Il s’est assez puni de son manque de foi,
Me dirois-je, et son cœur n’en est pas moins à moi. »
Mais Domitie est belle, elle a tout l’avantage
Qu’ajoute un vrai mérite à l’éclat du visage ;
965Et pour vous épargner les discours superflus,
Elle est digne de vous, si vous ne m’aimez plus.
Elle a toujours charmé le prince votre frère,
Elle a gagné sur vous de ne vous plus déplaire :
L’hymen achèvera de me faire oublier ;
970Elle aura votre cœur, et l’aura tout entier.
Seigneur, faites-moi grâce : épousez Sulpitie,
Ou Camille, ou Sabine, et non pas Domitie ;
Choisissez-en quelqu’une enfin dont le bonheur
Ne m’ôte que la main, et me laisse le cœur.

TITE.

975Domitie aisément souffriroit ce partage ;
Ma main satisferoit l’orgueil de son courage ;
Et pour le cœur, à peine il vous sait en ces lieux,
Qu’il revient tout entier faire hommage à vos yeux.

BÉRÉNICE.

N’importe : ayez pitié, Seigneur, de ma foiblesse.
980Vous avez un cœur fait à changer de maîtresse ;
Vous ne savez que trop l’art de manquer de foi :
Ne l’exercerez-vous jamais que contre moi ?