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Madame ; et vous voyez si j’en sais bien juger.
Songez de quelle sorte il faut le ménager.


Scène V.

TITE, BÉRÉNICE, FLAVIAN, PHILON.
BÉRÉNICE.

Me cherchez-vous, Seigneur, après m’avoir chassée ?

TITE.

Vous avez su mieux lire au fond de ma pensée,
905Madame ; et votre cœur connaît assez le mien
Pour me justifier sans que j’explique rien.

BÉRÉNICE.

Mais justifiera-t-il le don qu’il vous plaît faire
De ma propre personne au prince votre frère ?
Et n’est-ce point assez de me manquer de foi,
910Sans prendre encor le droit de disposer de moi ?
Pouvez-vous jusque-là me bannir de votre âme ?
Le pouvez-vous, Seigneur ?

TITE.

Le pouvez-vous, Seigneur ?Le croyez-vous, Madame ?

BÉRÉNICE.

Hélas ! que j’ai de peur de vous dire que non !
J’ai voulu vous haïr dès que j’ai su ce don :
915Mais à de tels courroux l’âme en vain se confie ;
À peine je vous vois que je vous justifie.
Vous me manquez de foi, vous me donnez, chassez.
Que de crimes ! Un mot les a tous effacés.
Faut-il, Seigneur, faut-il que je ne vous accuse
920Que pour dire aussitôt que c’est moi qui m’abuse,
Que pour me voir forcée à répondre pour vous !
Épargnez cette honte à mon dépit jaloux ;
Sauvez-moi du désordre où ma bonté[1] m’expose,

  1. L’édition de 1682 porte seule ma honte pour ma bonté.