Madame ; et vous voyez si j’en sais bien juger.
Songez de quelle sorte il faut le ménager.
Scène V.
Me cherchez-vous, Seigneur, après m’avoir chassée ?
Vous avez su mieux lire au fond de ma pensée,
Madame ; et votre cœur connaît assez le mien
Pour me justifier sans que j’explique rien.
Mais justifiera-t-il le don qu’il vous plaît faire
De ma propre personne au prince votre frère ?
Et n’est-ce point assez de me manquer de foi,
Sans prendre encor le droit de disposer de moi ?
Pouvez-vous jusque-là me bannir de votre âme ?
Le pouvez-vous, Seigneur ?
Le croyez-vous, Madame ?
Hélas ! que j’ai de peur de vous dire que non !
J’ai voulu vous haïr dès que j’ai su ce don :
Mais à de tels courroux l’âme en vain se confie ;
À peine je vous vois que je vous justifie.
Vous me manquez de foi, vous me donnez, chassez.
Que de crimes ! Un mot les a tous effacés.
Faut-il, Seigneur, faut-il que je ne vous accuse
Que pour dire aussitôt que c’est moi qui m’abuse,
Que pour me voir forcée à répondre pour vous !
Épargnez cette honte à mon dépit jaloux ;
Sauvez-moi du désordre où ma bonté[1] m’expose,
- ↑ L’édition de 1682 porte seule ma honte pour ma bonté.