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BÉRÉNICE.

À vous dire le vrai, sa nouveauté m’étonne :
J’aurois eu quelque peine à vous croire si bonne ;
Et je recevrois l’offre avec confusion
850Si je n’y soupçonnois un peu d’illusion.
Quoi qu’il en soit, Madame, en cette incertitude
Qui nous met l’une et l’autre en quelque inquiétude,
Ce que je puis répondre à vos civilités,
C’est de vous demander pour moi mêmes bontés,
855Et que celle des deux qui sera satisfaite
Traite l’autre de l’air qu’elle veut qu’on la traite.
J’ai vu Tite se rendre au peu que j’ai d’appas ;
Je ne l’espère plus, et n’y renonce pas.
Il peut se souvenir, dans ce grade sublime,
860Qu’il soumit votre Rome en détruisant Solyme,
Qu’en ce siége pour lui je hasardai mon rang,
Prodiguai mes trésors, et mes peuples leur sang,
Et que s’il me fait part de sa toute-puissance,
Ce sera moins un don qu’une reconnoissance.

DOMITIE.

865Ce sont là de grands droits ; et si l’amour s’y joint,
Je dois craindre une chute à n’en relever point.
Tite y peut ajouter que je n’ai point la gloire
D’avoir sur ma patrie étendu sa victoire,
De l’avoir saccagée et détruite à l’envi,
870Et renversé l’autel du dieu que j’ai servi :
C’est par là qu’il vous doit cette haute fortune.
Mais je commence à voir que je vous importune.
Adieu. Quelque autre fois nous suivrons ce discours.

BÉRÉNICE.

Je suis venue ici trop tôt de quatre jours ;
J875’en suis au désespoir et vous en fais excuse.

DOMITIE.

Dans quatre jours, Madame, on verra qui s’abuse.