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Vois la honte qu’ainsi je me suis attirée.
660Quand sa reine[1] a paru, m’a-t-il considérée ?
A-t-il jeté les yeux sur moi qu’en me quittant ?

PLAUTINE.

Pensez-vous que sa reine ait l’esprit plus content ?
Avant que vous quitter, lui-même il l’a bannie.

DOMITIE.

Oui, mais avec respect, avec cérémonie,
665Avec des yeux enfin qui l’éloignant des miens,
Lui promettoient assez de plus doux entretiens.
Tu me diras encor que la chose est égale,
Que s’il m’ose quitter, il chasse ma rivale.
Mais pour peu qu’il m’aimât, du moins il m’auroit dit
670Que je garde en son âme encor même crédit :
Il m’en auroit donné des sûretés nouvelles,
Il m’en auroit laissé quelques marques fidèles.
S’il me vouloit cacher le trouble où je le voi,
La plus mauvaise excuse étoit bonne pour moi.
675Mais pour toute réponse, il se tait, et me quitte ;
Et tu ne peux souffrir que mon cœur s’en irrite !
Tu veux, lorsque lui-même ose se déclarer,
Que je me flatte encore assez pour espérer !
C’est avec le perfide être d’intelligence.
680Sans me flatter en vain, courons à la vengeance ;
Faisons voir ce qu’en moi peut le sang de Néron,
Et que je suis de plus fille de Corbulon.

PLAUTINE.

Vous l’êtes ; mais enfin c’est n’être qu’une fille,
Que le reste impuissant d’une illustre famille.
685Contre un tel empereur où prendrez-vous des bras ?

DOMITIE.

Contre un tel empereur nous n’en manquerons pas.

  1. On lit ici : « la Reine, » dans les éditions de Thomas Corneille et de Voltaire, qui deux vers plus loin ont maintenu l’un et l’autre : « sa Reine. »