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Je m’impose à mon tour les lois qu’il m’imposoit,
Et me dis après lui tout ce qu’il me disoit.
495J’ai des yeux d’empereur, et n’ai plus ceux de Tite ;
Je vois en Domitie un tout autre mérite,
J’écoute la raison, j’en goûte les conseils,
Et j’aime comme il faut qu’aiment tous mes pareils.
Si dans les premiers jours que vous m’avez vu maître
500Votre feu mal éteint avoit voulu paroître,
J’aurois pu me combattre et me vaincre pour vous ;
Mais si près d’un hymen si souhaité de tous,
Quand Domitie a droit de s’en croire assurée,
Que le jour en est pris, la fête préparée,
505Je l’aime, et lui dois trop pour jeter sur son front
L’éternelle rougeur d’un si mortel affront.
Rome entière et ma foi l’appellent à l’empire :
Voyez mieux de quel œil on m’en verroit dédire,
Ce qu’ose se permettre une femme en fureur,
510Et combien Rome entière auroit pour moi d’horreur.

DOMITIAN.

Elle n’en auroit point de vous voir pour un frère
Faire autant que pour elle il vous a plu de faire.
Seigneur, à vos bontés laissez un libre cours ;
Qui se vainc une fois peut se vaincre toujours :
515Ce n’est pas un effort que votre âme redoute.

TITE.

Qui se vainc une fois sait bien ce qu’il en coûte :
L’effort est assez grand pour en craindre un second.

DOMITIAN.

Ah ! si votre grande âme à peine s’en répond,
La mienne, qui n’est pas d’une trempe si belle,
520Réduite au même effort, Seigneur, que fera-t-elle ?

TITE.

Ce que je fais, mon frère : aimez ailleurs.

DOMITIAN.

Ce que je fais, mon frère : aimez ailleurs.Hélas !