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vers, disant à Corneille qu’il ne les entendoit pas. Corneille, après les avoir examinés quelque temps, dit : « Je ne les entends pas trop bien non plus ; mais récitez-les toujours : tel qui ne les entendra pas les admirera. »

Ce reproche d’obscurité est le principal que les critiques aient adressé à Corneille dans les écrits composés à l’occasion des deux tragédies. La première brochure publiée à ce sujet, intitulée : la Critique de Bérénice, par l’abbé de Villars, se rapporte entièrement à la Bérénice de Racine ; elle a suivi la première représentation de très-près, et nous serions même embarrassé par la date du 17 novembre qu’elle porte, puisque la pièce n’est que du 21, si un adversaire de l’abbé de Villars n’avait relevé cette erreur au commencement de sa Réponse[1]. En paraissant prendre la défense de la pièce de Racine, l’abbé de Villars fait assez finement ressortir tous les défauts qu’on y peut trouver. « Je ne puis souffrir, dit-il en terminant, que l’on accuse le poëte de n’entendre pas le théâtre, qu’on le blâme d’avoir voulu entrer en lice avec Corneille, et que Monsieur ***** s’écrie :

Infelix puer atque impar congressus Achilli[2]. »

Après une telle conclusion, Corneille pouvait, ce semble, attendre avec confiance la suite de cet examen ainsi annoncée par l’abbé de Villars : « La semaine prochaine on verra la seconde partie de cette critique, qui est sur la Bérénice du Palais-Royal[3]. » Mais notre poëte dut être fort désagréablement surpris en voyant la façon dont commence cette « seconde partie » de la Critique. La muse du cothurne, dit l’auteur, « a refusé à Corneille ses faveurs accoutumées, au lieu de lui en accorder de nouvelles ; et par un caprice impitoyable, elle l’a fait entrer en lice avec un aventurier qui ne lui en contoit que depuis trois jours ; elle l’a abandonné à sa verve caduque au milieu de la course, et s’est jetée du côté du plus jeune[4]. »

Notre intention n’est pas d’analyser cette critique ; elle pré-

  1. Recueil de dissertations… publié par Granet, tome II, p. 223.
  2. Virgile, Énéide, livre I, vers 475.
  3. Recueil de Granet, tome II, p. 206 et 207.
  4. Ibidem, p. 209.