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avait mis a son propre penchant, de peur qu’il ne devînt dangereux. »

La malheureuse princesse ne devait pas assister à la lutte littéraire qu’elle s’était promis de juger. C’est le 30 juin 1670 qu’elle fut frappée d’une mort inattendue, qui est demeurée un douloureux problème pour la science et pour l’histoire. Le 21 août Bossuet faisait retentir les voûtes de Saint-Denis de l’éloquente oraison funèbre qui a gravé à jamais dans toutes les mémoires le vivant souvenir de Madame, et trois mois seulement plus tard les deux pièces qu’elle avait tout à la fois inspirées et commandées paraissaient sur le théâtre.

Dans de telles circonstances, elles excitèrent une curiosité bien facile à comprendre ; mais les armes étaient loin d’être égales entre les deux champions. Aux avantages réels et incontestables que Racine, par la nature de son talent, avait sur Corneille en un pareil sujet[1], le hasard ou l’habileté du jeune poëte et de ses amis en avaient ajouté d’autres. Racine, dont la pièce fut représentée à l’hôtel de Bourgogne, fut assez heureux pour voir le rôle de Titus rempli par Floridor, et celui de Bérénice par la Champmeslé ; de plus sa tragédie jouée

    en 1639, épousa en 1661 le prince Colonna, connétable de Naples ; elle mourut vers 1715. Dans la tragédie de Racine (acte IV, scène v), Bérénice dit à Titus ;

    Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez !

    Au sujet de cette parole, on lit parmi les notes de Voltaire, qui dans son Théâtre de Corneille a commenté les pièces des deux poètes rivaux, la remarque suivante : « Ce vers si connu faisait allusion à cette réponse de Mlle Mancini à Louis XIV : « Vous m’aimez, vous êtes roi, vous pleurez, et je pars ! »

  1. « Pierre du Ryer, dit Jolly dans son Avertissement du Théâtre de P. Corneille (p. lxx), fit imprimer, en 1645, Bérénice, tragi-comédie en prose. » C’est sans doute ce qui a amené l’auteur du Dictionnaire portatif des théâtres à dire : « Outre la tragédie de Tite et Bérénice de Pierre Corneille, ce sujet en a fourni deux autres sous le titre simple de Bérénice : l’une de du Ryer, donnée en 1645, et qui est en prose, et l’autre de l’illustre Racine. » Rien n’est plus faux que cette assertion. La Bérénice de du Ryer est un sujet purement romanesque remis au théâtre en 1657 par Thomas Corneille, sous le même titre de Bérénice.