Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


NOTICE.


« Henriette d’Angleterre[1], belle-sœur de Louis XIV, voulut, dit Voltaire dans la préface de son commentaire sur la Bérénice de Racine, que Racine et Corneille fissent chacun une tragédie des adieux de Titus et de Bérénice. Elle crut qu’une victoire obtenue sur l’amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le sujet, et en cela elle ne se trompait pas ; mais elle avait encore un intérêt secret à voir cette victoire représentée sur le théâtre : elle se ressouvenait des sentiments qu’elle avait eus longtemps pour Louis XIV, et du goût vif de ce prince pour elle. Le danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans la famille royale, les noms de beau-frère et de belle-sœur, mirent un frein à leurs désirs ; mais il resta toujours dans leurs cœurs une inclination secrète, toujours chère à l’un et à l’autre. Ce sont ces sentiments qu’elle voulut voir développés sur la scène, autant pour sa consolation que pour son amusement. Elle chargea le marquis de Dangeau, confident de ses amours avec le Roi, d’engager secrètement Corneille et Racine à travailler l’un et l’autre sur ce sujet, qui paraissait si peu fait pour la scène. Les deux pièces furent composées dans l’année 1670, sans qu’aucun des deux sût qu’il avait un rival[2]. »

  1. Henriette-Anne d’Angleterre, fille de Charles Ier, roi d’Angleterre, et de Henriette-Marie de France, fille de Henri IV ; née à Exeter en 1644, mariée en 1661 à Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, morte en 1670.
  2. Fontenelle raconte le même fait, mais beaucoup plus brièvement. Toutefois comme il est, à notre connaissance, le premier qui en ait parlé, nous croyons utile de reproduire ici son témoignage : « Bérénice fut un duel dont tout le monde sait l’histoire. Une prin-