Qu’ai-je dit ? qu’ai-je fait que de vous obéir ?
Et par où jusque-là m’aurois-je pu trahir ?
Ardaric est pour vous un époux adorable.
Votre main lui donnoit ce qu’il avoit d’aimable ;
Et je ne l’ai tantôt accepté pour époux
Que par cet ordre exprès que j’ai reçu de vous.
Vous aviez déjà vu qu’en dépit de ma flamme,
Pour vous faire empereur…
Mais l’amour par vos yeux me sait si bien dompter,
Que je ferme les miens pour n’y plus résister.
N’abusez pas pourtant d’un si puissant empire :
Songez qu’il est encor d’autres biens où j’aspire,
Que la vengeance est douce aussi bien que l’amour ;
Et laissez-moi pouvoir quelque chose à mon tour,
Seigneur, ensanglanter cette illustre journée !
Grâce, grâce du moins jusqu’après l’hyménée.
À son heureux flambeau souffrez un pur éclat,
Et laissez pour demain les maximes d’État.
Vous le voulez, Madame, il faut vous satisfaire ;
Mais ce n’est que grossir d’autant plus ma colère ;
Et ce que par votre ordre elle perd de moments
Enfle l’avidité de mes ressentiments.
Voyez, voyez plutôt, par votre exemple même,
Seigneur, jusqu’où s’aveugle un grand cœur quand il aime :
Voyez jusqu’où l’amour, qui vous ferme les yeux,