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ATTILA.
ILDIONE.

Lorsque…Vous pourriez croire une telle imposture !
Qu’ai-je dit ? qu’ai-je fait que de vous obéir ?
Et par où jusque-là m’aurois-je pu trahir ?

ATTILA.

Ardaric est pour vous un époux adorable.

ILDIONE.

Votre main lui donnoit ce qu’il avoit d’aimable ;1650
Et je ne l’ai tantôt accepté pour époux
Que par cet ordre exprès que j’ai reçu de vous.
Vous aviez déjà vu qu’en dépit de ma flamme,
Pour vous faire empereur…

ATTILA.

Pour vous faire empereur…Vous me trompez, Madame ;
Mais l’amour par vos yeux me sait si bien dompter,1655
Que je ferme les miens pour n’y plus résister.
N’abusez pas pourtant d’un si puissant empire :
Songez qu’il est encor d’autres biens où j’aspire,
Que la vengeance est douce aussi bien que l’amour ;
Et laissez-moi pouvoir quelque chose à mon tour,1660

ILDIONE.

Seigneur, ensanglanter cette illustre journée !
Grâce, grâce du moins jusqu’après l’hyménée.
À son heureux flambeau souffrez un pur éclat,
Et laissez pour demain les maximes d’État.

ATTILA.

Vous le voulez, Madame, il faut vous satisfaire ;1665
Mais ce n’est que grossir d’autant plus ma colère ;
Et ce que par votre ordre elle perd de moments
Enfle l’avidité de mes ressentiments.

HONORIE.

Voyez, voyez plutôt, par votre exemple même,
Seigneur, jusqu’où s’aveugle un grand cœur quand il aime :
Voyez jusqu’où l’amour, qui vous ferme les yeux,1670