Il veut que je vous coûte ou la vie ou la gloire,
Et serve de prétexte au choix infortuné
D’assassiner vous-même ou d’être assassiné !
Il vous offre ma main comme un bonheur insigne,
Mais à condition de vous en rendre indigne ;
Et si vous refusez par là de m’acquérir,
Vous ne sauriez vous-même éviter de périr !
Il est beau de périr pour éviter un crime :
Quand on meurt pour sa gloire, on revit dans l’estime ;
Et triompher ainsi du plus rigoureux sort,
C’est s’immortaliser par une illustre mort.
Cette immortalité qui triomphe en idée
Veut être, pour charmer, de plus loin regardée ;
Et quand à notre amour ce triomphe est fatal,
La gloire qui le suit nous en console mal.
Vous vengerez ma mort, et mon âme ravie…
Ah ! venger une mort n’est pas rendre une vie :
Le tyran immolé me laisse mes malheurs ;
Et son sang répandu ne tarit pas mes pleurs.
Pour sauver une vie, après tout périssable,
En rendrois-je le reste infâme et détestable ?
Et ne vaut-il pas mieux assouvir sa fureur.
Et mériter vos pleurs, que de vous faire horreur ?
Vous m’en feriez sans doute, après cette infamie,
Assez pour vous traiter en mortelle ennemie ;
Mais souvent la fortune a d’heureux changements
Qui président sans nous aux grands événements.
Le ciel n’est pas toujours aux méchants si propice :