Si rien ne vous résout à dédaigner ma foi,
Appréhendez pour vous comme je fais pour moi.
Si vos tyrans d’appas retiennent ma franchise,
Je puis l’être comme eux de qui me tyrannise.
Souvenez-vous enfin que je suis Attila,
Et que c’est dire tout que d’aller jusque-là.
Il faut donc me résoudre ? Eh bien ! j’ose… De grâce[1],
Dispensez-moi du reste, il y faut trop d’audace.
Je tremble comme un autre à l’aspect d’Attila,
Et ne me puis, Seigneur, oublier jusque-là.
J’obéis : ce mot seul dit tout ce qu’il souhaite ;
Si c’est m’expliquer mal, qu’il en soit l’interprète.
J’ai tous les sentiments qu’il lui plaît m’ordonner ;
J’accepte cette dot qu’il vient de me donner ;
Je partage déjà la Gaule avec mon frère,
Et veux tout ce qu’il faut pour ne vous plus déplaire.
Mais ne puis-je savoir, pour ne manquer à rien,
À qui vous me donnez, quand j’obéis si bien ?
Je n’ose le résoudre, et de nouveau je tremble,
Sitôt que je conçois tant de chagrins ensemble.
C’est trop que de vous perdre et vous donner ailleurs ;
Madame, laissez-moi séparer mes douleurs :
Souffrez qu’un déplaisir me prépare pour l’autre ;
Après mon hyménée on aura soin du vôtre :
Ce grand effort déjà n’est que trop rigoureux,
Sans y joindre celui de faire un autre heureux.
Souvent un peu de temps fait plus qu’on n’ose attendre.
J’oserai plus que vous, Seigneur, et sans en prendre ;
Et puisque de son bien chacun peut ordonner,
- ↑ Var. Il faut donc m’y résoudre ? Eh bien ! j’ose… De grâce. (1668)