Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
ATTILA.

Et par quelques attraits qu’ils captivent un cœur,
Le mien en dépit d’eux est tout à ma grandeur.
Parlez donc seulement du choix le plus utile,
Du courroux à dompter ou plus ou moins facile ;130
Et ne me dites point que de chaque côté
Vous voyez comme lui peu d’inégalité.
En matière d’État ne fût-ce qu’un atome,
Sa perte quelquefois importe d’un royaume ;
Il n’est scrupule exact qu’il n’y faille garder,135
Et le moindre avantage a droit de décider.

VALAMIR.

Seigneur, dans le penchant que prennent les affaires,
Les grands discours ici ne sont pas nécessaires :
Il ne faut que des yeux ; et pour tout découvrir,
Pour décider de tout, on n’a qu’à les ouvrir.140
Un grand destin commence, un grand destin s’achève :
L’empire est prêt à choir, et la France s’élève,
L’une peut avec elle affermir son appui,
Et l’autre en trébuchant l’ensevelir sous lui.
Vos devins vous l’ont dit ; n’y mettez point d’obstacles,145
Vous qui n’avez jamais douté de leurs oracles :
Soutenir un État chancelant et brisé,
C’est chercher par sa chute à se voir écrasé.
Appuyez donc la France, et laissez tomber Rome ;
Aux grands ordres du ciel prêtez ceux d’un grand homme :150
D’un si bel avenir avouez vos devins,
Avancez les succès, et hâtez les destins.

ARDARIC.

Oui, le ciel, par le choix de ces grands hyménées,
A mis entre vos mains le cours des destinées ;
Mais s’il est glorieux. Seigneur, de le hâter,155
Il l’est, et plus encor, de si bien l’arrêter,
Que la France, en dépit d’un infaillible augure,
N’aille qu’à pas traînants vers sa grandeur future.