Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
ATTILA.

deux choses, pour fermer la bouche à ces ennemis d’un divertissement si honnête et si utile : l’un[1], que je soumets tout ce que j’ai fait et ferai à l’avenir à la censure des puissances, tant ecclésiastiques que séculières, sous lesquelles Dieu me fait vivre : je ne sais s’ils en voudroient faire autant ; l’autre, que la comédie est assez justifiée par cette célèbre traduction de la moitié de celles de Térence, que des personnes d’une piété exemplaire et rigide ont donnée au public, et ne l’auroient jamais fait[2], si elles n’eussent jugé qu’on peut innocemment mettre sur la scène des filles engrossées par leurs amants, et des marchands d’esclaves à prostituer[3]. La nôtre ne souffre point de tels ornements. L’amour en est l’âme pour l’ordinaire ; mais l’amour dans le malheur n’excite que la pitié, et est plus capable de purger en nous cette passion que de nous en faire envie.

Il n’y a point d’homme, au sortir de la représentation

    plus par sa compassion pour Chimène et par ses deux combats particuliers. Le récit même de la défaite des Mores y est fort ennuyeux et peu nécessaire à l’ouvrage, étant certain qu’il n’y avoit nulle rigueur en ce temps-là contre les duels, et n’y ayant pas d’apparence que la sévérité du roi de Castille fût si grande en cette matière, contre la coutume de son siècle, qu’il n’en pût bien pardonner deux par jour, même sans le prétexte d’une victoire aussi importante. »

  1. Tel est le texte de toutes les éditions anciennes, y compris celle de 1692. L’un est employé ici neutralement ; Voltaire y a substitué le féminin : l’une.
  2. Dans l’édition de 1692 : « ce qu’elles n’auroient jamais fait. » Voltaire (1764) a gardé l’ancienne leçon.
  3. La traduction de Port-Royal, attribuée à le Maistre de Saci, qui est désigné dans le privilège par le pseudonyme du : « sieur de S. Aubin. » (Voyez le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, tome II, p. 372 et note 2.) Voici le titre de ce volume : Comédies de Terence traduites en français avec le latin à costé et rendues tres-honnestes en y changeant fort peu de chose,… À Paris, chez la veuve Martin Durand… M.DC.XXXXVII, in-12. Il ne comprend que trois pièces : l’Andrienne, les Adelphes et le Phormion.