Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

RODELINDE.

Que dis-tu, cher époux ?

PERTHARITE.

Que dis-tu, cher époux ?Que je vois sans murmure
Naître votre bonheur de ma triste aventure.
1445L’amour me ramenoit, sans pouvoir rien pour vous,
Que vous envelopper dans l’exil d’un époux,
Vous dérober sans bruit à cette ardeur infâme
Où s’opposent ma vie et le nom de ma femme.
Pour changer avec gloire, il vous faut mon trépas[1] ;
1450Et s’il vous fait régner, je ne le perdrai pas.
Après tant de malheurs que mon amour vous cause,
Il est temps que ma mort vous serve à quelque chose,
Et qu’un victorieux à vos pieds abattu
Cesse de renoncer à toute sa vertu.
1455D’un conquérant si grand et d’un héros si rare
Vous faites trop longtemps un tyran, un barbare ;
Il l’est, mais seulement pour vaincre vos refus.
Soyez à lui, Madame, il ne le sera plus ;
Et je tiendrai ma vie heureusement perdue,
Puisque…

RODELINDE.

1460Puisque…N’achève point un discours qui me tue[2],
Et ne me force point à mourir de douleur[3],
Avant qu’avoir pu rompre ou venger ton malheur.
Moi qui l’ai dédaigné dans son char de victoire,
Couronné de vertus encore plus que de gloire,
1460Magnanime, vaillant, juste, bon, généreux,
Pour m’attacher à l’ombre, au nom d’un malheureux,

  1. Var. Pour briller avec gloire, il lui faut mon trépas. (1660-64)
  2. Var. N’achève pas un discours qui me tue. (1653-63)
  3. Var. Et ne me force pas à mourir de douleur. (1653-60)