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Je t’épouserai lors, et m’y viens d’obliger,
Pour mieux servir ma haine, et pour mieux me venger,
995Pour moins perdre de vœux contre ta barbarie,
Pour être à tous moments maîtresse de ta vie,
Pour avoir l’accès libre à pousser ma fureur,
Et mieux choisir la place à te percer le cœur[1].
Voilà mon désespoir, voilà ses justes causes :
1000À ces conditions prends ma main, si tu l’oses.

GRIMOALD.

Oui, je la prends, Madame, et veux auparavant…


Scène IV.

PERTHARITE, GRIMOALD, RODELINDE, GARIBALDE, UNULPHE.
UNULPHE.

Que faites-vous, Seigneur ? Pertharite est vivant[2] :
Ce n’est plus un bruit sourd, le voilà qu’on amène ;
Des chasseurs l’ont surpris dans la forêt prochaine,
1005Où, caché dans un fort, il attendait la nuit.

GRIMOALD.

Je vois trop clairement quelle main le produit.

RODELINDE.

Est-ce donc vous, Seigneur ? et les bruits infidèles
N’ont-ils semé de vous que de fausses nouvelles ?

PERTHARITE.

Qui, cet époux si cher à vos chastes désirs,
1010Qui vous a tant coûté de pleurs et de soupirs…

  1. Voyez ci-après Sertorius, vers 1784, et la note de Voltaire.
  2. Var. PERTH. Arrête, Grimoald, Pertharite est vivant.
    Ce te doit être assez de porter ma couronne,
    Sans me ravir encor ce que l’hymen me donne ;
    À quoi que ton amour te puisse disposer,
    Commence par ma mort, si tu veux l’épouser.
    [ROD. Est-ce donc vous, Seigneur ? et les bruits infidèles.] (1653-56)