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Prononcez-en l’arrêt, et j’en prendrai la loi
770Pour faire exécuter les volontés du Roi.

RODELINDE.

Un mot est bientôt dit ; mais dans un tel martyre
On n’a pas bientôt vu quel mot c’est qu’il faut dire ;
Et le choix qu’on m’ordonne est pour moi si fatal,
Qu’à mes yeux des deux parts le supplice est égal.
775Puisqu’il faut obéir, fais-moi venir ton maître[1].

GARIBALDE.

Quel choix avez-vous fait ?

RODELINDE.

Quel choix avez-vous fait ?Je lui ferai connoître
Que si…

GARIBALDE.

Que si…C’est avec moi qu’il vous faut achever :
Il est las désormais de s’entendre braver ;
Et si je ne lui porte une entière assurance
780Que vos desirs enfin suivent son espérance,
Sa vue est un honneur qui vous est défendu.

RODELINDE.

Que me dis-tu, perfide ? ai-je bien entendu ?
Tu crains donc qu’une femme, à force de se plaindre,
Ne sauve une vertu que tu tâches d’éteindre,
785Ne remette un héros au rang de ses pareils,
Dont tu veux l’arracher par tes lâches conseils ?
Oui, je l’épouserai, ce trop aveugle maître,
Tout cruel, tout tyran que tu le forces d’être :
Va, cours l’en assurer ; mais penses-y deux fois.
790Crains-moi, crains son amour, s’il accepte mon choix.
Je puis beaucoup sur lui ; j’y pourrai davantage,
Et régnerai peut-être après cet esclavage.

  1. Mais il faut obéir ; fais-moi venir ton maître. (1653-56)