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1115Il est mille douceurs dans un grade si haut
Où peut-être avez-vous moins pensé qu’il ne faut.
Peut-être en un moment serez-vous détrompée ;
Et si j’osois encor vous parler de Poppée,
Je dirois que sans doute elle m’aimoit un peu,
1120Et qu’un trône alluma bientôt un autre feu.
Le ciel vous a fait l’âme et plus grande et plus belle ;
Mais vous êtes princesse, et femme enfin comme elle.
L’horreur de voir une autre au rang qui vous est dû,
Et le juste chagrin d’avoir trop descendu,
1125Presseront en secret cette âme de se rendre
Même au plus foible espoir de le pouvoir reprendre.
Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ;
Mais l’empire en tout temps a de quoi les charmer.
L’amour passe, ou languit ; et pour fort qu’il puisse être,
1130De la soif de régner il n’est pas toujours maître.

CAMILLE.

Je ne sais quel amour je vous ai pu donner,
Seigneur ; mais sur l’empire il aime à raisonner :
Je l’y trouve assez fort, et même d’une force
À montrer qu’il connoît tout ce qu’il a d’amorce,
1135Et qu’à ce qu’il me dit touchant un si grand choix,
Il a daigné penser un peu plus d’une fois.
Je veux croire avec vous qu’il est ferme et sincère,
Qu’il me dit seulement ce qu’il n’ose me taire ;
Mais à parler sans feinte…

OTHON.

Mais à parler sans feinte… Ah ! Madame, croyez…

CAMILLE.

1140Oui, j’en croirai Pison à qui vous m’envoyez ;
Et vous, pour vous donner quelque peu plus[1] de joie,

  1. Le mot plus est omis dans l’édition de 1682, aussi bien que dans celle de 1692.