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Ce maître qu’il lui faut vous est dû pour époux ;
Et mon zèle s’unit à l’amour paternelle
Pour vous en donner un digne de vous et d’elle.
Jule et le grand Auguste ont choisi dans leur sang,
880Ou dans leur alliance, à qui laisser ce rang.
Moi, sans considérer aucun nœud domestique,
J’ai fait[1] ce choix comme eux, mais dans la République[2] :
Je l’ai fait de Pison ; c’est le sang de Crassus,
C’est celui de Pompée, il en a les vertus,
885Et ces[3] fameux héros dont il suivra la trace
Joindront de si grands noms aux grands noms de ma race,
Qu’il n’est point d’hyménée en qui l’égalité
Puisse élever l’empire à plus de dignité.

CAMILLE.

J’ai tâché de répondre à cet amour de père
890Par un tendre respect qui chérit et révère,
Seigneur ; et je vois mieux encor par ce grand choix,
Et combien vous m’aimez, et combien je vous dois.
Je sais ce qu’est Pison et quelle est sa noblesse ;
Mais si j’ose à vos yeux montrer quelque foiblesse,
895Quelque digne qu’il soit et de Rome et de moi,
Je tremble à lui promettre et mon cœur et ma foi ;
Et j’avouerai, seigneur, que pour mon hyménée
Je crois tenir un peu de Rome où je suis née.
Je ne demande point la pleine liberté,
900Puisqu’elle en a mis bas l’intrépide fierté ;
Mais si vous m’imposez la pleine servitude,
J’y trouverai, comme elle, un joug un peu bien rude.

  1. Par une singulière erreur, les éditions de 1665, de 1666 et de 1668 portent : Fut fait ; et l’édition de 1682 : Eut fait, pour J’ai fait.
  2. Augustus in domo successorem quæsivit ; ego in republica. (Tacite, Histoires, livre I, chapitre xv.) Pour les vers suivants, voyez le commencement de ce même chapitre xv.
  3. L’édition de 1682, encore par erreur évidemment, donne ce, au lieu de ces.