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Patrobe, Polyclète, et Narcisse, et Pallas[1],
Ont déposé des rois et donné des États.
On nous élève au trône au sortir de nos chaînes ;
510Sous Claude on vit Félix le mari de trois reines[2] ;
Et quand l’amour en moi vous présente un époux,
Vous me traitez d’esclave, et d’indigne de vous !
Madame, en quelque rang que vous ayez pu naître,
C’est beaucoup que d’avoir l’oreille du grand maître.
515Vinius est consul, et Lacus est préfet ;
Je ne suis l’un ni l’autre, et suis plus en effet ;
Et de ces consulats, et de ces préfectures,
Je puis, quand il me plaît, faire des créatures :
Galba m’écoute enfin ; et c’est être aujourd’hui,
520Quoique sans ces grands noms, le premier d’après lui.

PLAUTINE.

Pardonnez donc, Seigneur, si je me suis méprise :
Mon orgueil dans vos fers n’a rien qui l’autorise.
Je viens de me connoître, et me vois à mon tour
Indigne des honneurs qui suivent votre amour.
525Avoir brisé ces fers fait un degré de gloire
Au-dessus des consuls, des préfets du prétoire ;
Et si de cet amour je n’ose être le prix,
Le respect m’en empêche et non plus le mépris.
On m’avoit dit pourtant que souvent la nature
530Gardoit en vos pareils sa première teinture,
Que ceux de nos Césars qui les ont écoutés
Ont tous souillé leurs noms par quelques lâchetés,

  1. Patrobe (Patrobius) et Polyclète, affranchis de Néron (voyez Tacite, Histoires, livre I, chapitre xlix, et Annales, livre XIV, chapitre510xxxix) ; Narcisse et Pallas, affranchis de Claude.
  2. L’affranchi Antonius Félix, que d’autres nomment Claudius Félix, fut procurateur de Judée sous les empereurs Claude et Néron. Suétone (Vie de Claude, chapitre xxviii) l’appelle trium reginarum maritum. Il épousa successivement Drusilla, petite-fille d’Antoine et de Cléopâtre, et une autre Drusilla, fille du roi Hérode Agrippa. Sa troisième femme est inconnue.