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OTHON.

Ah ! Seigneur, sur ce point c’est trop de confiance ;
C’est vous tenir trop sûr de mon obéissance.
Je ne prends plus de lois que de ma passion :
Plautine est l’objet seul de mon ambition ;
185Et si votre amitié me veut détacher d’elle,
La haine de Lacus me seroit moins cruelle.
Que m’importe après tout, si tel est mon malheur,
De mourir par son ordre, ou mourir de douleur ?

VINIUS.

Seigneur, un grand courage, à quelque point qu’il aime,
190Sait toujours au besoin se posséder soi-même.
Poppée avait pour vous du moins autant d’appas[1] ;
Et quand on vous l’ôta vous n’en mourûtes pas.

OTHON.

Non, seigneur ; mais Poppée était une infidèle,
Qui n’en voulait qu’au trône, et qui m’aimait moins qu’elle.
195Ce peu qu’elle eut d’amour ne fit du lit d’Othon
Qu’un degré pour monter à celui de Néron :
Elle ne m’épousa qu’afin de s’y produire,
D’y ménager sa place au hasard de me nuire :
Aussi j’en fus banni sous un titre d’honneur ;
200Et pour ne me plus voir on me fit gouverneur[2].
Mais j’adore Plautine, et je règne en son âme :
Nous ordonner d’éteindre une si belle flamme,
C’est… je ne l’ose dire[3]. Il est d’autres Romains,
Seigneur, qui sauront mieux appuyer vos desseins ;
205Il en est dont le cœur pour Camille soupire,
Et qui seront ravis de vous devoir l’empire.

  1. Voyez Tacite, Histoires, livre I, chapitre xiii.
  2. Mos suspectum in eadem Poppæa, in provinciam Lusitaniam, specie legationis seposuit. (Tacite, Histoires, livre I, chapitre xiii.)
  3. Var. C’est… je n’ose le dire. Il est d’autres Romains (a). (1665-68)

    (a) Voltaire a adopté cette variante.