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Vitellius avance avec la force unie
Des troupes de la Gaule et de la Germanie ;
155Ce qu’il a de vieux corps le souffre avec ennui ;
Tous les prétoriens murmurent contre lui.
De leur Nymphidius l’indigne sacrifice
De qui se l’immola leur demande justice :
Il le sait, et prétend par un jeune empereur
160Ramener les esprits, et calmer leur fureur.
Il espère un pouvoir ferme, plein, et tranquille,
S’il nomme pour César un époux de Camille ;
Mais il balance encor sur ce choix d’un époux,
Et je ne puis, seigneur, m’assurer que sur vous.
165J’ai donc pour ce grand choix vanté votre courage,
Et Lacus à Pison a donné son suffrage.
Martian n’a parlé qu’en termes ambigus,
Mais sans doute il ira du côté de Lacus,
Et l’unique remède est de gagner Camille :
170Si sa voix est pour nous, la leur est inutile.
Nous serons pareil nombre, et dans l’égalité
Galba pour cette nièce aura de la bonté.
Il a remis exprès à tantôt d’en résoudre.
De nos têtes sur eux détournez cette foudre :
175Je vous le dis encor, contre ces grands jaloux
Je ne me puis, seigneur, assurer que sur vous.
De votre premier choix quoi que je doive attendre,
Je vous aime encor mieux pour maître que pour gendre ;
Et je ne vois pour nous qu’un naufrage certain,
180S’il nous faut recevoir un prince de leur main[1].

  1. Vinius, Laco (Lacus) et Icélus (Martian) « s’étaient séparés, pour le choix d’un héritier de l’empire, en deux factions rivales. Vinius agissait pour Othon ; Laco et Icélus d’intelligence le repoussaient plutôt qu’ils n’en soutenaient un autre. » (Tacite, Histoires, livre I, chapitre xiii.) « Quelques-uns ont cru, ajoute Tacite au chapitre suivant, que le choix de Pison fut arraché à Galba par Laco. »