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AU LECTEUR[1].


Si mes amis ne me trompent, cette pièce égale ou passe la meilleure des miennes. Quantité de suffrages illustres et solides se sont déclarés pour elle ; et si j’ose y mêler le mien, je vous dirai que vous y trouverez quelque justesse dans la conduite, et un peu de bon sens dans le raisonnement. Quant aux vers, on n’en a point vu de moi que j’aye travaillés avec plus de soin. Le sujet est tiré de Tacite[2], qui commence ses Histoires par celle-ci ; et je n’en ai encore mis aucune sur le théâtre à qui j’aye gardé plus de fidélité, et prêté plus d’invention. Les caractères de ceux que j’y fais parler y sont les mêmes que chez cet incomparable auteur, que j’ai traduit tant qu’il m’a été possible. J’ai tâché de faire paroître les vertus de mon héros en tout leur éclat, sans en dissimuler les vices, non plus que lui ; et je me suis contenté de les attribuer à urte politique de cour, où, quand le souverain se plonge dans les débauches, et que sa faveur n’est qu’à ce prix[3], il y a presse à qui sera de la partie. J’y ai conservé les événements, et pris la liberté de changer la manière dont ils arrivent, pour en jeter tout le crime sur un méchant homme, qu’on soupçonna dès lors d’avoir donné des ordres secrets pour la mort de Vinius, tant leur inimitié étoit forte et déclarée[4] ! Othon avoit promis à ce consul d’épouser sa fille, s’il le

  1. Ce titre n’est que dans l’édition originale. Voyez ci-dessus, p. 357, note 1.
  2. Outre le Ier livre des Histoires de Tacite, voyez encore Plutarque et Suétone dans leurs Vies de Galba et d’Othon.
  3. Tel est le texte de l’édition originale ; c’est aussi celui de Voltaire. Les impressions de 1666-1682 et celle de 1692 portent : « n’est qu’à prix. »
  4. Voyez acte V, scène vi, p. 654, et la note 3.