Doit-il être en ce cœur aussi puissant que vous ?
Ce héros a trop fait de m’avoir épousée ;
De sa seule pitié s’il m’eût favorisée,
Cette pitié peut-être en ce triste et grand jour
Auroit plus fait pour moi que cet excès d’amour.
Il devoit voir que Rome en juste défiance…
Mais vous lui témoigniez pareille impatience ;
Et vos feux rallumés montroient de leur côté
Pour ce nouvel hymen égale avidité.
C’étoit la folle ardeur de braver ma rivale ;
J’en faisois mon suprême et mon unique bien.
Tous les cœurs ont leur foible, et c’étoit là le mien.
La présence d’Éryxe aujourd’hui m’a perdue ;
Je me serois sans elle un peu mieux défendue ;
J’aurois su mieux choisir et les temps et les lieux.
Mais ce vainqueur vers elle eût pu tourner les yeux :
Tout mon orgueil disoit à mon âme jalouse
Qu’une heure de remise en eût fait son épouse,
Et que pour me braver à son tour hautement,
Son feu se fût saisi de ce retardement.
Cet orgueil dure encore, et c’est lui qui l’invite
Par un message exprès à me rendre visite,
Pour reprendre à ses yeux un si cher conquérant,
Ou, s’il me faut mourir, la braver en mourant.
Mais je vois Mézétulle ; en cette conjoncture,
Son retour sans ce prince est d’un mauvais augure.
Raffermis-toi, mon âme, et prends des sentiments
À te mettre au-dessus de tous événements.