Elle a voulu sourire, et m’a dit froidement :
« Le Roi n’use pas mal de mon consentement ;
Allez, et dites-lui que pour reconnoissance… »
Mais, Seigneur, devers vous elle-même s’avance,
Et vous expliquera mieux que je n’aurois fait
Ce qu’elle ne m’a pas expliqué tout à fait.
Cependant cours au temple, et presse un peu la Reine
D’y terminer des vœux dont la longueur me gêne,
Et dis-lui que c’est trop importuner les Dieux,
En un temps où sa vue est si chère à mes yeux.
Scène II.
Comme avec vous, Seigneur, je ne sus jamais feindre,
Souffrez pour un moment que j’ose ici m’en plaindre[1],
Non d’un amour éteint, ni d’un espoir déçu,
L’un fut mal allumé, l’autre fut mal conçu ;
Mais d’avoir cru mon âme et si foible et si basse,
Qu’elle pût m’imputer votre hymen à disgrâce,
Et d’avoir envié cette joie à mes yeux
D’en être les témoins, aussi bien que les Dieux.
Ce plein aveu promis avec tant de franchise
Me préparoit assez à voir tout sans surprise ;
Et sûr que vous étiez de mon consentement,
Vous me deviez ma part en cet heureux moment.
J’aurois un peu plus tôt été désabusée ;
Et près du précipice où j’étois exposée,
- ↑ Voltaire (1764) a substitué « me plaindre » à « m’en plaindre, » qui est le texte de toutes les éditions anciennes, y compris celle de 1692.