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Ce qu’avec leurs héros vous avez de pratique
Vous a dû mieux qu’à moi montrer leur politique.
Je ne vous en dis rien : un souci plus pressant,
Et si je l’ose dire, assez embarrassant,
555Où même ainsi que vous la pitié m’intéresse,
Vous doit inquiéter touchant votre promesse :
Dérober Sophonisbe au pouvoir des Romains,
C’est un pénible ouvrage, et digne de vos mains ;
Vous devez y penser.

Massinisse
Vous devez y penser.Un peu trop téméraire,
560Peut-être ai-je promis plus que je ne puis faire.
Les pleurs de Sophonisbe ont surpris ma raison.
L’opprobre du triomphe est pour elle un poison ;
Et j’ai cru que le ciel l’avoit assez punie,
Sans la livrer moi-même à tant d’ignominie.
565Madame, il est bien dur de voir déshonorer
L’autel où tant de fois on s’est plu d’adorer,
Et l’âme ouverte aux biens que le ciel lui renvoie
Ne peut rien refuser dans ce comble de joie.
Mais quoi que ma promesse ait de difficultés,
570L’effet en est aisé, si vous y consentez.

Éryxe
Si j’y consens ! bien plus, Seigneur, je vous en prie.
Voyez s’il faut agir de force ou d’industrie ;
Et concertez ensemble en toute liberté
Ce que dans votre esprit vous avez projeté.
575Elle vous cherche exprès.


Scène III – Massinisse, Éryxe, Sophonisbe, Barcée, Herminie, Mézétulle

Éryxe
Elle vous cherche exprès.