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II ==


Scène première – Éryxe, Barcée

Éryxe
Quel désordre, Barcée, ou plutôt quel supplice,
M’apprêtoit la victoire à revoir Massinisse !
Et que de mon destin l’obscure trahison
390Sur mes souhaits remplis a versé de poison !
Syphax est prisonnier ; Cyrthe toute éperdue
À ce triste spectacle aussitôt s’est rendue.
Sophonisbe, en dépit de toute sa fierté,
Va gémir à son tour dans la captivité :
395Le ciel finit la mienne, et je n’ai plus de chaînes
Que celles qu’avec gloire on voit porter aux reines ;
Et lorsqu’aux mêmes fers je crois voir mon vainqueur,
Je doute, en le voyant, si j’ai part en son cœur.
––En vain l’impatience à le chercher m’emporte,
400En vain de ce palais je cours jusqu’à la porte,
Et m’ose figurer, en cet heureux moment,
Sa flamme impatiente et forte également :
Je l’ai vu, mais surpris, mais troublé de ma vue ;
Il n’étoit point lui-même alors qu’il m’a reçue,
405Et ses yeux égarés marquoient un embarras
À faire assez juger qu’il ne me cherchoit pas.
J’ai vanté sa victoire, et je me suis flattée
Jusqu’à m’imaginer que j’étois écoutée ;