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Quand je lui veux partout faire des ennemis.
Parlez donc : quelque espoir que vous m’ayez vu prendre,
Si vous y prétendez, je cesse d’y prétendre.
Un reste d’autre espoir, et plus juste et plus doux,
Saura voir sans chagrin Sertorius à vous.
Mon cœur veut à toute heure immoler à Pompée
Tous les ressentiments de ma place usurpée ;
Et comme son amour eut peine à me trahir,
J’ai voulu me venger, et n’ai pu le haïr.
Ne me déguisez rien, non plus que je déguise.

Viriate
Viriate à son tour vous doit même franchise,
Madame ; et d’ailleurs même on vous en a trop dit,
Pour vous dissimuler ce que j’ai dans l’esprit.
J’ai fait venir exprès Sertorius d’Afrique
Pour sauver mes états d’un pouvoir tyrannique ;
Et mes voisins domptés m’apprenaient que sans lui
Nos rois contre Sylla n’étaient qu’un vain appui.
Avec un seul vaisseau ce grand héros prit terre ;
Avec mes sujets seuls il commença la guerre :
Je mis entre ses mains mes places et mes ports,
Et je lui confiai mon sceptre et mes trésors.
Dès l’abord il sut vaincre, et j’ai vu la victoire
Enfler de jour en jour sa puissance et sa gloire.
Nos rois, lassés du joug, et vos persécutés
Avec tant de chaleur l’ont joint de tous côtés,
Qu’enfin il a poussé nos armes fortunées
Jusques à vous réduire au pied des Pyrénées.
Mais après l’avoir mis au point où je le voi,
Je ne puis voir que lui qui soit digne de moi ;
Et regardant sa gloire ainsi que mon ouvrage,