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Vous savez les raisons de cet attachement,
Je vous en ai tantôt parlé confidemment ;
Je vous en fais encor la même confidence.
Faites à votre amour un peu de violence ;
J’ai triomphé du mien : j’y suis encor tout prêt ;
Mais s’il faut du parti ménager l’intérêt,
Faut-il pousser à bout une reine obstinée,
Qui veut faire à son choix toute sa destinée,
Et de qui le secours, depuis plus de dix ans,
Nous a mieux soutenus que tous nos partisans ?

Perpenna
La trouvez-vous, Seigneur, en état de vous nuire ?

Sertorius
Non, elle ne peut pas tout à fait nous détruire ;
Mais si vous m’enchaînez à ce que j’ai promis,
Dès demain elle traite avec nos ennemis.
Leur camp n’est que trop proche ; ici chacun murmure :
Jugez ce qu’il faut craindre en cette conjoncture.
Voyez quel prompt remède on y peut apporter,
Et quel fruit nous aurons de la violenter.

Perpenna
C’est à moi de me vaincre, et la raison l’ordonne ;
Mais d’un si grand dessein tout mon cœur qui frissonne…

Sertorius
Ne vous contraignez point : dût m’en coûter le jour,
Je tiendrai ma promesse en dépit de l’amour.

Perpenna
Si vos promesses n’ont l’aveu de Viriate…

Sertorius
Je ne puis de sa part rien dire qui vous flatte.

Perpenna
Je dois donc me contraindre, et j’y suis résolu.
Oui, sur tous mes désirs je me rends absolu :
J’en veux, à votre exemple, être aujourd’hui le maître ;