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Sertorius
Oui ; mais je ne vois pas encor de sûreté
À ce que vous et moi nous avions concerté.
Vous savez que la reine est d’une humeur si fière…
Mais peut-être le temps la rendra moins altière.
Adieu : dispensez-moi de parler là-dessus.

Perpenna
Parlez, Seigneur : mes vœux sont-ils si mal reçus ?
Est-ce en vain que je l’aime, en vain que je soupire ?

Sertorius
Sa retraite a plus dit que je ne puis vous dire.

Perpenna
Elle m’a dit beaucoup ; mais, Seigneur, achevez,
Et ne me cachez point ce que vous en savez.
Ne m’auriez-vous rempli que d’un espoir frivole ?

Sertorius
Non, je vous l’ai cédée, et vous tiendrai parole.
Je l’aime, et vous la donne encor malgré mon feu ;
Mais je crains que ce don n’ait jamais son aveu,
Qu’il n’attire sur nous d’impitoyables haines.
Que vous dirai-je enfin ? L’Espagne a d’autres reines ;
Et vous pourriez vous faire un destin bien plus doux,
Si vous faisiez pour moi ce que je fais pour vous.
Celle des Vacéens, celle des Ilergètes,
Rendraient vos volontés bien plus tôt satisfaites ;
La reine avec chaleur saurait vous y servir.

Perpenna
Vous me l’avez promise, et me l’allez ravir !

Sertorius
Que sert que je promette et que je vous la donne,
Quand son ambition l’attache à ma personne ?