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ACTE IV, SCÈNE III.
Sertorius.

Je serois le premier dont on seroit jaloux ;
Mais ensuite le sort pourroit tomber sur vous.
Le tyran après moi vous craint plus qu’aucun autre,
Et ma tête abattue ébranleroit la vôtre.
Nous ferons bien tous deux d’attendre plus d’un an.

Perpenna.

Que parlez-vous, Seigneur, de tête et de tyran ?

Sertorius.

Je parle de Sylla, vous le devez connoître.

Perpenna.

Et je parlois des feux que la Reine a fait naître.

Sertorius.

Nos esprits étaient donc également distraits.
Tout le mien s’attachait aux périls de la paix ;
Et je vous demandois quel bruit fait par la ville
De Pompée et de moi l’entretien inutile[1].
Vous le saurez, Aufide ?

Aufide.

Vous le saurez, Aufide ?À ne rien déguiser,
Seigneur, ceux de sa suite en ont su mal user ;
J’en crains parmi le peuple un insolent murmure.
Ils ont dit que Sylla quitte sa dictature,
Que vous seul refusez les douceurs de la paix,
Et voulez une guerre à ne finir jamais.
Déjà de nos soldats l’âme préoccupée
Montre un peu trop de joie à parler de Pompée,
Et si l’erreur s’épand jusqu’en nos garnisons,
Elle y pourra semer de dangereux poisons.

Sertorius.

Nous en romprons le coup avant qu’elle grossisse,

  1. Voltaire, en deux endroits, veut confirmer par ce vers son jugement sur l’entretien de Seroorius et de Pompee, qui, dit-il, « n’a rien produit dans la piece. » Voyez ses remarques sur les vers 749 et 1430.