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Plus de nouvel hymen, plus de Sertorius ;
Je suis au grand Pompée ; et puisqu’il m’aime encore,
Puisqu’il me rend son cœur, de nouveau je l’adore :
Plus de Sertorius. Mais, Seigneur, répondez ;
Faites parler ce cœur qu’enfin vous me rendez.
Plus de Sertorius. Hélas ! Quoi que je die,
Vous ne me dites point, Seigneur : « Plus d’Émilie. »
Rentrez dans mon esprit, jaloux ressentiments,
Fiers enfants de l’honneur, nobles emportements ;
C’est vous que je veux croire ; et Pompée infidèle
Ne saurait plus souffrir que ma haine chancelle :
Il l’affermit pour moi. Venez, Sertorius ;
Il me rend toute à vous par ce muet refus.
Donnons ce grand témoin à ce grand hyménée ;
Son âme, toute ailleurs, n’en sera point gênée :
Il le verra sans peine, et cette dureté
Passera chez Sylla pour magnanimité.

Pompée
Ce qu’il vous fait d’injure également m’outrage ;
Mais enfin je vous aime, et ne puis davantage.
Vous, si jamais ma flamme eut pour vous quelque appas,
Plaignez-vous, haïssez, mais ne vous donnez pas :
Demeurez en état d’être toujours ma femme,
Gardez jusqu’au tombeau l’empire de mon âme.
Sylla n’a que son temps, il est vieil et cassé :
Son règne passera, s’il n’est déjà passé ;
Ce grand pouvoir lui pèse, il s’apprête à le rendre ;
Comme à Sertorius, je veux bien vous l’apprendre.
Ne vous jetez donc point, Madame, en d’autres bras ;
Plaignez-vous, haïssez, mais ne vous donnez pas.
Si vous voulez ma main, n’engagez point la vôtre.