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Pompée
Je crois le bien remplir quand tout mon cœur s’applique
Aux soins de rétablir un jour la république ;
Mais vous jugez, Seigneur, de l’âme par le bras ;
Et souvent l’un paraît ce que l’autre n’est pas.
Lorsque deux factions divisent un empire,
Chacun suit au hasard la meilleure ou la pire,
Suivant l’occasion ou la nécessité
Qui l’emporte vers l’un ou vers l’autre côté.
Le plus juste parti, difficile à connaître,
Nous laisse en liberté de nous choisir un maître ;
Mais quand ce choix est fait, on ne s’en dédit plus.
J’ai servi sous Sylla du temps de Marius,
Et servirai sous lui tant qu’un destin funeste
De nos divisions soutiendra quelque reste.
Comme je ne vois pas dans le fond de son cœur,
J’ignore quels projets peut former son bonheur :
S’il les pousse trop loin, moi-même je l’en blâme ;
Je lui prête mon bras sans engager mon âme ;
Je m’abandonne au cours de sa félicité,
Tandis que tous mes vœux sont pour la liberté ;
Et c’est ce qui me force à garder une place
Qu’usurperaient sans moi l’injustice et l’audace,
Afin que, Sylla mort, ce dangereux pouvoir
Ne tombe qu’en des mains qui sachent leur devoir.
Enfin je sais mon but, et vous savez le vôtre.

Sertorius
Mais cependant, Seigneur, vous servez comme un autre ;