Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si bien que ne voyant autre espoir de guérir,
Il a fallu sans cesse et vaincre et conquérir.
Enfin, après deux ans, Milan par sa conquête
Lui donnait Édüige en couronnant sa tête,
105Si ce même Milan dont elle étoit le prix
N’eût fait perdre à ses yeux ce qu’ils avoient conquis.
Avec un autre sort il prit un cœur tout autre.
Vous fûtes sa captive, et le fîtes le vôtre ;
Et la princesse alors par un bizarre effet,
110Pour l’avoir voulu roi, le perdit tout à fait.
Nous le vîmes quitter ses premières pensées,
N’avoir plus pour l’hymen ces ardeurs empressées,
Éviter Édüige, à peine lui parler,
Et sous divers prétexte à son tour reculer.
115Ce n’est pas que longtemps il n’ait tâché d’éteindre
Un feu dont vos vertus avoient lieu de se plaindre ;
Et tant que dans sa fuite a vécu votre époux,
N’étant plus à sa sœur, il n’osoit être à vous ;
Mais sitôt que sa mort eut rendu légitime
120Cette ardeur qui n’était jusque-là qu’un doux crime…


Scène II.

RODELINDE, ÉDÜIGE, UNULPHE.
ÉDÜIGE.

Madame, si j’étais d’un naturel jaloux,
Je m’inquiéterois de le voir avec vous,
Je m’imaginerois, ce qui pourroit bien être,
Que ce fidèle agent vous parle pour son maître ;
125Mais comme mon esprit n’est pas si peu discret
Qu’il vous veuille envier la douceur du secret,
De cette opinion j’aime mieux me défendre,
Pour mettre en votre choix celle que je dois prendre,