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ACTE I, SCÈNE II.

N’êtes-vous pas toujours le maître de ses places ?
Les siens dont vous craignez le vif ressentiment,215
Ont-ils dans vos armées aucun commandement ?
Des plus nobles d’entre eux, et des plus grands courages
N’avez-vous pas les fils dans Osca[1] pour otages ?
Tous leurs chefs sont Romains, et leurs propres soldats
Dispersés dans nos rangs ont fait tant de combats,220
Que la vieille amitié qui les attache aux nôtres
Leur fait aimer nos lois, et n’en vouloir point d’autres.
Pourquoi donc tant les craindre, et pourquoi refuser…?

Sertorius

Vous-même, Perpenna, pourquoi tant déguiser ?
Je vois ce qu’on m’a dit, vous aimez Viriate,225
Et votre amour caché dans vos raisons éclate.
Mais les raisonnements sont ici superflus ;
Dites que vous l’aimez, et je ne l’aime plus.
Parlez : je vous dois tant, que ma reconnoissance
Ne peut être sans honte un moment en balance.230

Perpenna

L’aveu que vous voulez à mon cœur est si doux,
Que j’ose…

Sertorius

Que j’ose…C’est assez, je parlerai pour vous.

Perpenna

Ah, Seigneur, c’en est trop, et…

Sertorius

Ah, Seigneur, c’en est trop, et…Point de repartie,
Tous mes vœux sont déjà du côté d’Aristie,
Et je l’épouserai, pourvu qu’en même jour235
La Reine se résolve à payer votre amour.

  1. Ville de l’Espagne tarraconaise, aujourd’hui Husea, dans l’Aragon. Voyez Plutarque, Vie de Sertorius, chapitre xiv. Il paraît bien probable que Sertorius fut tuée à Orca, plutôt qu’à Nertobridge, où Corneille place la scène de sa pièce et du meurtre.