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Je n’en suis point surpris ; mais ce qui me surprend,
C’est de voir que Pompée ait pris le nom de Grand[1],
Pour faire encore au vôtre entière déférence,
130Sans vouloir de lieu neutre à cette conférence.
C’est avoir beaucoup fait, que d’avoir jusque-là
Fait descendre l’orgueil des Héros de Sylla.

SERTORIUS.

S’il est plus fort que nous, ce n’est plus en Espagne,
Où nous forçons les siens de quitter la campagne,
135Et de se retrancher dans l’empire douteux
Que lui souffre à regret une province ou deux,
Qu’à sa fortune lasse il craint que je n’enlève,
Sitôt que le printemps aura fini la trêve.
C’est l’heureuse union de vos drapeaux aux miens
140Qui fait ces beaux succès qu’à toute heure j’obtiens ;
C’est à vous que je dois ce que j’ai de puissance :
Attendez tout aussi de ma reconnaissance.
Je reviens à Pompée, et pense deviner
Quels motifs jusqu’ici peuvent nous l’amener.
145o.Comme il trouve près de nous peu de gloire à prétendre,
Et qu’au lieu d’attaquer il a peine à défendre,
Il voudrait qu’un accord avantageux ou non
L’affranchît d’un emploi qui ternit ce grand nom ;
Et chatouillé d’ailleurs par l’espoir qui le flatte,
150De faire avec plus d’heur la guerre à Mithridate,
Il brûle d’être à Rome, afin d’en recevoir
Du maître qu’il s’y donne et l’ordre et le pouvoir.

PERPENNA.

J’aurois cru qu’Aristie ici réfugiée,

  1. Ce fut Sylla qui le premier salua Pompée du nom de Magnus (grand) ; mais Pompée ne le prit officiellement qu’à partir de la guerre contre Sertorius : voyez Plutarque, Vie de Pompée, chapitre xiii, et Vie de Sertorius, chapitre xviii. Au reste, le surnom de Magnus, qu’adoptèrent les Pompeii, appartenait aussi à d’autres familles romaines, au Fonteii, aux Postumii, etc.