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N’arboreront-ils point l’étendard de Pompée ?

AUFIDE.

C’est trop craindre, et trop tard : c’est dans votre festin[1]
Que ce soir par votre ordre on tranche son destin.
La trêve a dispersé l’armée à la campagne,
110Et vous en commandez ce qui nous accompagne.
L’occasion nous rit dans un si grand dessein ;
Mais tel bras n’est à nous que jusques à demain :
Si vous rompez le coup, prévenez les indices[2] ;
Perdez Sertorius ou perdez vos complices.
115Craignez ce qu’il faut craindre : il en est parmi nous
Qui pourroient bien avoir même remords que vous[3] ;
Et si vous différez… Mais le tyran arrive.
Tâchez d’en obtenir l’objet qui vous captive ;
Et je prierai les Dieux que dans cet entretien
120Vous ayez assez d’heur pour n’en obtenir rien.


Scène II.

SERTORIUS, PERPENNA.
SERTORIUS.

Apprenez un dessein qui me vient de surprendre.
Dans deux heures Pompée en ce lieu se doit rendre :
Il veut sur nos débats conférer avec moi,
Et pour toute assurance il ne prend que ma foi.

PERPENNA.

125La parole suffit entre les grands courages ;
D’un homme tel que vous la foi vaut cent otages :

  1. Var. C’est trop craindre, et trop tard : ce soir, dans le festin,
    Vous avez donné l’heure à trancher son destin. (1662 et 66)
  2. Voyez Plutarque, Vie de Sertorius, chapitre xxvi.
  3. Var. Qui pourroient bien avoir mêmes remords que vous. (1662) — Voltaire a adopté cette leçon ; il donne mêmes au pluriel.