Vois mieux ce que tu dis quand tu parles ainsi.
Du moins la liberté respire encore ici :
De notre république à Rome anéantie,
On y voit refleurir la plus noble partie ;
Et cet asile ouvert aux illustres proscrits,
Réunit du sénat le précieux débris[1].
Par lui Sertorius gouverne ces provinces,
Leur impose tribut, fait des lois à leurs princes,
Maintient de nos Romains le reste indépendant :
Mais comme tout parti demande un commandant,
Ce bonheur imprévu qui partout l’accompagne,
Ce nom qu’il s’est acquis chez les peuples d’Espagne…
Ah ! c’est ce nom acquis avec trop de bonheur
Qui rompt votre fortune et vous ravit l’honneur[2] :
Vous n’en sauriez douter, pour peu qu’il vous souvienne
Du jour que votre armée alla joindre la sienne[3],
Lors…
Que le commandement devait m’appartenir.
Je le passois en nombre aussi bien qu’en noblesse ;
Il succomboit sans moi sous sa propre foiblesse :
Mais sitôt qu’il parut, je vis en moins de rien
Tout mon camp déserter pour repeupler le sien ;
Je vis par mes soldats mes aigles arrachées
Pour se ranger sous lui voler vers ses tranchées ;
Et pour en colorer l’emportement honteux,
Je les suivis de rage, et m’y rangeai comme eux.
L’impérieuse aigreur de l’âpre jalousie