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ACTE V, SCÈNE VII.

Prête-moi de tes feux l’éclat étincelant,
Que j’embrase leur Grèce avec ton char brûlant ;
Que d’un de tes rayons lançant sur eux le foudre,
Je les réduise en cendre, et leur butin en poudre ; 2160
Et que par mon courroux leurs pays désolé
Ait horreur à jamais du bras qui m’a volé.
Je vois que tu m’entends, et ce coup d’œil m’annonce
Que ta bonté m’apprête une heureuse réponse.
Parle donc, et fais voir aux destins ennemis 2165
De quelle ardeur tu prends les intérêts d’un fils.

Le Soleil.

Je plains ton infortune, et ne puis davantage :
Un noir destin s’oppose à tes justes desseins,
Et depuis Phaéton, ce brillant attelage
Ne peut passer en d’autres mains : 2170
Sous un ordre éternel qui gouverne ma route,
Je dispense en esclave et les nuits et les jours.
Mais enfin ton père t’écoute,
Et joint ses vœux aux tiens pour un plus fort secours.

(Ici s’ouvre le ciel de Jupiter, et le Soleil continue en lui adressant sa parole.)

Maître absolu des destinées, 2175
Change leurs dures lois en faveur de mon sang,
Et laisse-lui garder son rang
Parmi les têtes couronnées.
C’est toi qui règles les États,
C’est toi qui départs les couronnes ; 2180
Et quand le sort jaloux met un monarque à bas,
Il détruit ton ouvrage, et fait des attentats
Qui dérobent ce que tu donnes.

Junon.

Je ne mets point d’obstacle à de si justes vœux ;
Mais laissez ma puissance entière ; 2185
Et si l’ordre du sort se rompt à sa prière,