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Des périls les plus redoutés.

Zéthès.

Fuyons, sans plus tarder, la vapeur infernale
Que ce dragon affreux de son gosier exhale :
La valeur ne peut rien contre un air empesté. 2090
Fais comme nous, Orphée, et fuis de ton côté.

(Zéthès, Calaïs et Orphée s’enfuient[1].)
Médée.

Allez, vaillants guerriers, envoyez-moi Pélée,
Mopse, Iphite, Échion, Eurydamas, Oilée[2],
Et tout ce reste enfin pour qui votre Jason
Avec tant de chaleur demandoit la toison. 2095
Aucun d’eux ne paroît ! ces âmes intrépides
Règlent sur mes vaincus leurs démarches timides ;
Et malgré leur ardeur pour un exploit si beau,
Leur effroi les renferme au fond de leur vaisseau.
Ne laissons pas ainsi la victoire imparfaite : 2100
Par le milieu des airs, courons à leur défaite ;
Et nous-mêmes portons à leur témérité
Jusque dans ce vaisseau ce qu’elle a mérité.

(Médée s’élève encore plus haut sur le dragon.)
Aæte.

Que fais-tu ? la toison ainsi que toi s’envole !
Ah ! perfide, est-ce ainsi que tu me tiens parole, 2105
Toi qui me permettois, même aux yeux de Jason,
Qu’on t’ôteroit le jour avant que la toison ?

Médée, en s’envolant.

Encor tout de nouveau je vous en fais promesse.
Et vais vous la garder au milieu de la Grèce.

  1. Var. Zéthès et Calaïs et Orphée s’enfuient. (1661)
  2. Pélée père d’Achille, Mopse le poëte, Iphite le Phocéen, Échion fils de Mercure, Eurydamas le Thessalien, Oilée père d’Ajax. Tous ces Argonautes sont dans Valérius Flaccus, à l’exception d’Eurydamas, mentionné par Apollonius et dans les Argonautiques qui portent le nom d’Orphée.