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Aæte.

Je sais ce qu’il faut craindre, et non ce qu’il faut croire. 1975
Dans cette obscurité tout me devient suspect :
L’amour aux droits du sang garde peu de respect.
Ce même amour d’ailleurs peut forcer cette reine
À répondre à nos soins par des effets de haine ;
Et Jason peut avoir lui-même en ce grand art 1980
Des secrets dont le ciel ne nous fit point de part.
Ainsi, dans les rigueurs de mon sort déplorable,
Tout peut être innocent, tout peut être coupable :
Je ne cherche qu’en vain à qui les imputer ;
Et ne discernant rien, j’ai tout à redouter. 1985

Hypsipyle.

La vérité, Seigneur, se va faire connoître :
À travers ces rameaux je vois venir mon traître.



Scène III

AÆTE, ABSYRTE, HYPSIPYLE, JASON, ORPHÉE, ZÉTHÈS, CALAÏS.
Hypsipyle.

Parlez, parlez, Jason ; dites sans feinte au Roi
Qui vous seconde ici de Médée ou de moi :
Dites, est-ce elle ou moi qui contre lui conspire ? 1990
Est-ce pour elle ou moi que votre cœur soupire ?

Jason.

La demande est, Madame, un peu hors de saison :
Je vous y répondrai quand j’aurai la toison.
Seigneur, sans différer permettez que j’achève ;
La gloire où je prétends ne souffre point de trêve : 1995
Elle veut que du ciel je presse le secours.
Et ce qu’il m’en promet ne descend pas toujours.