ACTE IV
Ce théâtre horrible fait place a un plus agréable : c’est le désert où Médée a de coutume[1] de se retirer pour faire ses enchantements. Il est tout de rochers qui laissent sortir de leurs fentes quelques filaments d’herbes rampantes et quelques arbres moitié verts et moitié secs : ces rochers sont d’une pierre blanche et luisante, de sorte que comme l’autre théâtre étoit fort chargé d’ombres, le changement subit de l’un à l’autre fait qu’il semble qu’on passe de la nuit au jour.
Scène première
Qui donne cette audace à votre inquiétude,
Prince, de me troubler jusqu’en ma solitude ?
Avez-vous oublié que dans ces tristes lieux
Je ne souffre que moi, les ombres et les Dieux,
Et qu’étant par mon art consacrés au silence,
Aucun ne peut sans crime y mêler sa présence ?
De vos bontés, ma sœur, c’est sans doute abuser ;
Mais l’ardeur d’un amant a droit de tout oser.
C’est elle qui m’amène en ces lieux solitaires,
Où votre art fait agir ses plus secrets mystères.
Vous demander un charme à détacher un cœur,
À dérober une âme à son premier vainqueur.
- ↑ Voltaire a supprimé de devant coutume.