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LA TOISON D’OR.

Que j’approuve en pleurant la perte que j’ai faite,
Que je t’estime et t’aime avec ta lâcheté,
Et me prenne de tout à la fatalité. 1255
Le ciel l’ordonne ainsi : ton change est légitime ;
Ton innocence est sûre au milieu de ton crime :
Et quand tes trahisons pressent leur noir effet,
Ta gloire, ton devoir, ton destin a tout fait.
Reprends, reprends, Jason, tes premières rudesses : 1260
Leur coup m’est bien plus doux que tes fausses tendresses ;
Tes remords impuissants aigrissent mes douleurs :
Ne me rends point ton cœur, quand tu te vends ailleurs.
D’un cœur qu’on ne voit pas l’offre est lâche et barbare,
Quand de tout ce qu’on voit un autre objet s’empare ; 1265
Et c’est faire un hommage et ridicule et vain
De présenter le cœur et retirer la main.

Jason.

L’un et l’autre est à vous, si…

Hypsipyle.

L’un et l’autre est à vous, si… N’achève pas, traître ;
Ce que tu veux cacher se feroit trop paroître :
Un véritable amour ne parle point ainsi. 1270

Jason.

Trouvez donc les moyens de nous tirer d’ici.
La toison emportée, il agira, Madame,
Ce véritable amour qui vous donne mon âme ;
Sinon… Mais Dieux ! que vois-je ? Ô ciel ! je suis perdu,
Si l’ai tant de malheur quelle m’aye entendu. 1275


Scène IV

.
MÉDÉE, HYPSIPYLE.
Médée.

Vous l’avez vu. Madame, êtes-vous satisfaite ?