Vous présumer perdu sur la foi d’un scrupule
Qu’embrasse aveuglément votre âme trop crédule,
Comme si sur la peau d’un chétif animal
Le ciel avoit écrit tout votre sort fatal !
Ce que l’ombre a prédit, si vous daignez l’entendre,
Ne met aucun obstacle aux prières d’un gendre.
Me donner la Princesse, et pour dot la toison,
Ce n’est que l’assurer dedans votre maison,
Puisque par les doux nœuds de ce bonheur suprême
Je deviendrai soudain une part de vous-même,
Et que ce même bras qui vous a pu sauver
Sera toujours armé pour vous la conserver.
Vous prenez un peu tard une mauvaise adresse :
Nos esprits sont plus lourds que ceux de votre Grèce ;
Mais j’ai d’assez bons yeux, dans un si juste effroi,
Pour démêler sans peine un gendre d’avec moi.
Je sais que l’union d’un époux à ma fille
De mon sang et du sien forme une autre famille,
Et que si de moi-même elle fait quelque part,
Cette part de moi-même a ses destins à part.
Ce que l’ombre a prédit se fait assez entendre.
Cessez de vous forcer à devenir mon gendre ;
Ce seroit un honneur qui ne vous plairoit pas,
Puisque la toison seule a pour vous des appas,
Et que si mon malheur vous l’avoit accordée,
Vous n’auriez jamais fait aucuns vœux pour Médée.
C’est faire trop d’outrage à mon cœur enflammé.
Dès l’abord je la vis, dès l’abord je l’aimai ;
Et mon amour n’est pas un amour politique
Que le besoin colore, et que la crainte explique.
Mais n’ayant que moi-même à vous parler pour moi,
Je n’osois espérer d’être écouté d’un roi,