Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


EXAMEN.[1]


Le succès de cette tragédie a été si malheureux, que pour m’épargner le chagrin de m’en souvenir, je n’en dirai presque rien. Le sujet est écrit par Paul Diacre, au 4. et 5. livre des Gestes des Lombards[2], et depuis lui par Erycus Puteanus, au second livre de son Histoire des invasions de l’Italie par les Barbares[3]. Ce qui l’a fait avorter au théâtre a été l’événement extraordinaire qui me l’avoit fait choisir. On n’y a pu supporter qu’un roi dépouillé de son royaume, après avoir fait tout son possible pour y rentrer, se voyant sans forces et sans amis, en cède à son vainqueur les droits inutiles, afin de retirer sa femme prisonnière de ses mains : tant les vertus de bon mari sont peu à la mode ! On n’y a pas aimé la surprise avec laquelle Pertharite se présente au troisième acte, quoique le bruit de son retour soit épandu dès le premier, ni que Grimoald reporte toutes ses affections à Édüige, sitôt qu’il a reconnu que la vie de Pertharite, qu’il avoit cru mort jusque-là, le mettoit dans l’impossibilité de réussir auprès de Rodelinde. J’ai parlé ailleurs de l’inégalité de l’emploi des personnages, qui donne à Rodelinde le premier rang dans les trois premiers actes, et la réduit au second ou au troisième dans les deux derniers[4]. J’ajoute ici, malgré sa

  1. C’est en 1663 que fut imprimé pour la première fois l’Examen de Pertharite, et non en 1660, comme Voltaire le dit par erreur dans le titre de cet examen.
  2. Voyez ci-dessus, p. 8-14, la traduction du récit de Paul Diacre par Antoine du Verdier.
  3. Voyez ci-dessus, p. 14-16, le texte latin et la traduction de l’extrait de Puteanus.
  4. Ce défaut en Rodelinde a été une des principales causes du mauvais succès de Pertharite, et je n’ai point encore vu sur nos théâ-