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Glauque.

Allez, tritons, allez, sirènes ;
Allez, vents, et rompez vos chaînes ;
Neptune est satisfait,
Et l’ordre qu’il vous donne a son entier effet.
Jason, vois les bontés de ce même Neptune, 920
Qui pour achever ta fortune,
A sauvé du naufrage, et renvoie à tes vœux
La princesse qui seule est digne de ta flamme.
À son aspect rallume tous tes feux ;
Et pour répondre aux siens, rends-lui toute ton âme. 925
Et toi, qui jusques à Colchos
Dois à tant de beautés un assuré passage,
Fleuve, pour un moment retire un peu tes flots,
Et laisse approcher ton rivage.

Absyrte[1].

Princesse, en qui du ciel les merveilleux efforts 930
Se sont plu[2] d’animer ses plus rares trésors,
Souffrez qu’au nom du Roi dont je tiens la naissance,
Je vous offre en ces lieux une entière puissance :
Régnez dans ses États, régnez dans son palais ;
Et pour premier hommage à vos divins attraits… 935

Hypsipyle.

Faites moins d’honneur, Prince, à mon peu de mérite :
Je ne cherche en ces lieux qu’un ingrat qui m’évite.
Au lieu de m’aborder, Jason, vous pâlissez !
Dites-moi pour le moins si vous me connoissez.

Jason.

Je sais bien qu’à Lemnos vous étiez Hypsipyle ; 940
Mais ici…

  1. Dans l’édition de Voltaire (1764) : Absyrte, à Hypsipyle.
  2. Toutes les éditions anciennes, sans en excepter celles de Thomas Corneille et de Voltaire, donnent le pluriel du participe : « se sont plus. »