Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme un trône flottant qui de nos bords s’approche.
Quatre monstres marins courbent sous ce fardeau ;
Quatre nains emplumés le soutiennent sur l’eau ;
Et découpant les airs par un battement d’ailes,
Lui servent de rameurs et de guides fidèles. 885
Sur cet amas brillant de nacre et de coral[1],
Qui sillonne les flots de ce mouvant cristal,
L’opale étincelante à la perle mêlée
Renvoie un jour pompeux vers la voûte étoilée.
Les nymphes de la mer, les tritons, tout autour, 890
Semblent au dieu caché faire à l’envi leur cour ;
Et sur ces flots heureux, qui tressaillent de joie,
Par mille bonds divers ils lui tracent la voie.
Voyez du fond des eaux s’élever à nos yeux,
Par un commun accord, ces moites demi-dieux[2]. 895
Puissent-ils sur ces bords arrêter ce miracle !
Admirez avec moi ce merveilleux spectacle.
Le voilà qui les suit. Voyez-le s’avancer.

Jason, à Junon.

Ah ! Madame.

Junon.

Ah ! Madame. Voyez sans vous embarrasser.

(Ici l’on voit sortir du milieu du Phase le dieu Glauque avec deux tritons et deux sirènes qui chantent, cependant qu’une[3] grande conque de nacre, semée de branches de coral et de pierres précieuses, portée par quatre dauphins, et soutenue par quatre vents en l’air, vient insensiblement s’arrêter au milieu de ce même fleuve. Tandis qu’elles chantent, le devant de cette conque merveilleuse fond dans l’eau, et laisse voir la reine Hypsipyle assise comme dans un trône[4] ; et soudain

  1. Coral, corail : voyez le Lexique, et ci-dessus les Desseins, p. 236.
  2. Toutes les éditions anciennes, y compris celle de 1692, donnent ici Demidieux, en un seul mot, sans trait d’union ; plus loin, au vers 1205, avec un trait d’union, Demi-dieux.
  3. Dans l’édition de 1692 il y a, comme plus haut, pendant que, pour cependant que.
  4. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1674) donnent : « comme dans son trône. »