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Scène II

AÆTE, ABSYRTE, CHALCIOPE, MÉDÉE.
Aæte.

Enfin nos ennemis nous cèdent la campagne, 330
Et des Scythes défaits le camp abandonné
Nous est de leur déroute un gage fortuné,
Un fidèle témoin d’une victoire entière ;
Mais comme la fortune est souvent journalière,
Il en faut redouter de funestes retours, 335
Ou se mettre en état de triompher toujours.
Vous savez de quel poids et de quelle importance
De ce peu d’étrangers s’est fait voir l’assistance.
Quarante, qui l’eût cru ? quarante à leur abord
D’une armée abattue ont relevé le sort, 340
Du côté des vaincus rappelé la victoire,
Et fait d’un jour fatal un jour brillant de gloire.
Depuis cet heureux jour que n’ont point fait leurs bras ?
Leur chef nous a paru le démon des combats ;
Et trois fois sa valeur, d’un noble effet suivie, 345
Au péril de son sang a dégagé ma vie.
Que ne lui dois-je point ? et que ne dois-je à tous ?
Ah ! si nous les pouvions arrêter parmi nous,
Que ma couronne alors se verroit assurée !
Qu’il faudroit craindre peu pour la toison dorée, 350
Ce trésor où les Dieux attachent nos destins,
Et que veulent ravir tant de jaloux voisins !
N’y peux-tu rien, Médée, et n’as-tu point de charmes
Qui fixent en ces lieux le bonheur de leurs armes ?
N’est-il herbes, parfums, ni chants mystérieux, 355
Qui puissent nous unir ces bras victorieux ?

Absyrte.

Seigneur, il est en vous d’avoir cet avantage :